Des recherches menées à l’Université de Californie San Francisco (UCSF) ont montré que l’exposition aux pesticides augmente le risque de développer la maladie de Parkinson (MP), indépendamment du mode de survenue de la maladie : idiopathique (spontané) ou génétique (variant avec prédisposition génétique de la maladie). Bien que l’étiologie exacte de la maladie de Parkinson reste inconnue, les recherches épidémiologiques et toxicologiques ont identifié à plusieurs reprises l’exposition aux pesticides, ainsi que des interactions gènes-pesticides spécifiques, comme des facteurs de risque importants qui contribuent à la maladie de Parkinson.

En outre, cette étude, “Des variants géniques pourraient affecter le risque de MP après exposition aux pesticides,” suggère que des déclencheurs environnementaux comme l’exposition professionnelle aux pesticides peuvent provoquer une MP chez les individus avec ou sans prédisposition génétique.

Cette recherche démontre l’importance d’évaluer l’étiologie de la maladie en rapport avec l’exposition professionnelle aux pesticides, surtout si les déclencheurs de la maladie sont en grande majorité non héréditaires. Étant donné que tous les individus génétiquement prédisposés à la maladie ne développent pas la maladie de Parkinson et que seulement 10 à 15 % des cas sont d’origine génétique, les responsables gouvernementaux doivent envisager d’autres voies étiologiques dont les facteurs de risque environnementaux. Les chercheurs de l’étude notent que “les expositions environnementales peuvent avoir des effets différents selon les génotypes” et pourraient prédisposer les personnes atteintes de la maladie de Parkinson à présenter différents symptômes.

La maladie de Parkinson est la deuxième maladie neurodégénérative la plus courante, avec au moins un million d’Américains vivant avec la maladie de Parkinson et environ 50 000 nouveaux diagnostics chaque année. La maladie touche 50 % plus d’hommes que de femmes et les personnes atteintes de la maladie de Parkinson présentent divers symptômes, notamment la perte de contrôle musculaire et les tremblements, l’anxiété et la dépression, la constipation et les difficultés urinaires, la démence et les troubles du sommeil. Avec le temps, les symptômes s’intensifient, mais il n’existe actuellement aucun remède à cette maladie mortelle.

Alors que seul un petit pourcentage de cas de maladie de Parkinson est d’origine génétique et que la maladie est en passe de devenir “la maladie du cerveau qui connaît la croissance la plus rapide au monde”, des recherches comme celle-ci sont essentielles pour examiner d’autres facteurs de risque potentiels de développement de la maladie de Parkinson.

Les chercheurs de l’UCSF, qui ont présenté cette étude au 23e congrès international de la maladie de Parkinson et des troubles du mouvement (édition virtuelle) en 2020, organisé par la Movement Disorder Society, ont évalué deux groupes de patients – ceux qui ont reçu un diagnostic de maladie de Parkinson et ceux qui n’en ont pas reçu. Les auteurs ont analysé les individus sur la base de deux études de cohorte, la Parkinson’s Progression Marker Initiative (PPMI) – une étude longitudinale des personnes atteintes de la maladie de Parkinson, comprenant les sous-types génétiques – et la Fox Insight (FI), où les participants déclarent eux-mêmes en ligne les symptômes de la maladie de Parkinson. Les évaluations PPMI ont été réalisées en presentiel et ont permis d’étudier de manière approfondie les fonctions motrices et non motrices, en comparant les patients qui ont développé une MP idiopathique avec des personnes en bonne santé. L’étude a ensuite comparé des patients atteints de la maladie de Parkinson qui sont porteurs des deux mutations génétiques spécifiques les plus courantes (c’est-à-dire la mutation G2019S de LRRK2, les mutations GBA) avec des porteurs de chaque mutation qui n’étaient pas atteints de la maladie de Parkinson. Les chercheurs ont recueilli les réponses rapportées dans le cadre de la FI afin d’évaluer la fréquence d’exposition aux pesticides chez les participants dont la maladie de Parkinson a été diagnostiquée et ceux dont la maladie n’a pas été diagnostiquée, âgés entre 57 et 66 ans.

Enfin, les chercheurs ont évalué des individus avec et sans MP dans les cohortes PPMI et FI afin de déterminer une corrélation entre l’exposition aux pesticides et la déficience cognitive. En utilisant l’Evaluation Cognitive de Montréal (MoCA) et une caractérisation des troubles cognitifs basée sur la recherche, les chercheurs ont étudié les symptômes chez les personnes incluses dans la PPMI. Les chercheurs ont ensuite évalué les troubles cognitifs fonctionnels et subjectifs de la cohorte FI à l’aide de diverses mesures : Questionnaire sur les symptômes non moteurs (NMSQ), consommation de médicaments indiqués dans les troubles cognitifs et Questionnaire sur l’activité quotidienne dans la maladie de Parkinson (PDAQ).

Dans l’ensemble, le rapport conclut que l’exposition professionnelle aux pesticides présente un risque significatif de MP, qu’elle soit idiopathique ou médiée par une mutation de GBA. Pour les individus de la cohorte PPMI, l’exposition aux pesticides augmente le risque de MP idiopathique de 3,9 fois par rapport à un individu sain. De même, l’exposition aux pesticides augmente de 4,2 fois le risque de MP chez les personnes présentant une mutation de GBA. Les participants de la cohorte FI présentent une association modérée entre l’exposition aux pesticides et le risque de MP, le risque étant multiplié par 1,5. L’exposition aux pesticides a peu ou pas d’effet sur les porteurs de la mutation G2019S du gène LRRK2 et les auteurs suggèrent que l’impact du gène LRRK2 est suffisamment fort pour que les expositions environnementales jouent un rôle moindre dans l’apparition de la maladie. Enfin, l’exposition aux pesticides a un impact sur les capacités cognitives, les deux cohortes d’étude démontrant une légère déficience cognitive, les participants exposés aux pesticides signalant davantage de symptômes de déficience cognitive et de recours à des mesures correctives.

La maladie de Parkinson survient lorsque les cellules nerveuses dopaminergiques (c’est-à-dire celles qui sont activées par la dopamine ou qui y sont sensibles) sont endommagées dans la partie du cerveau responsable de la production de dopamine, l’un des principaux neurotransmetteurs assurant la médiation de la fonction motrice. Bien que la cause des dommages causés aux cellules dopaminergiques reste inconnue, des preuves suggèrent que l’exposition aux pesticides, en particulier l’exposition chronique, pourrait être la coupable. L’utilisation des pesticides est omniprésente, en particulier dans les zones rurales des États-Unis, où l’exposition aux pesticides est presque inévitable en raison de la dispersion et du ruissellement. En outre, l’exposition professionnelle présente un risque particulier, car l’exposition aux pesticides est directe en raison de la manipulation et de l’épandage. Une étude de 2017 constate que l’utilisation professionnelle de pesticides (c’est-à-dire de fongicides, d’herbicides ou d’insecticides) augmente le risque de MP entre 110 et 211%. Les pesticides à base de carbamate augmentent le risque de MP de 455 %, l’utilisation de pesticides pendant dix ans ou plus doublant le risque de MP. Il est encore plus préoccupant de constater que certains équipements de protection individuelle pourraient ne pas protéger de façon adéquate les travailleurs contre l’exposition aux produits chimiques lors de leur utilisation.

L’exposition non professionnelle (résidentielle) aux pesticides, telle que la proximité par rapport aux zones traitées aux pesticides, présente un risque de développement de la maladie de Parkinson. Une étude de la Louisiana State University montre que les habitants situés à proximité de champs et bois traités par les pesticides émanant de l’agriculture ou de l’exploitation forestière, respectivement, ont des incidences plus élevées de MP. Par ailleurs, les résidus de pesticides dans les cours d’eau et sur les produits agricoles constituent une autre voie d’exposition aux pesticides en milieu résidentiel, qui augmente le risque de maladie de Parkinson par ingestion. La contamination des cours d’eau par les pesticides est historiquement courante et répandue dans les rivières et les ruisseaux des États-Unis, avec près de 90 % des échantillons d’eau contenant au moins cinq pesticides différents ou plus.

Ces pesticides contaminent en outre les eaux souterraines et les sources d’eau potable. De même, le ministère américain de l’agriculture (USDA) detecte des résidus de pesticides dans 57,5 % des échantillons de produits dans le cadre de l’analyse du Pesticide Data Program (PDP). Bien que les niveaux des résidus se situent dans la fourchette tolérée par l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA), l’affirmation selon laquelle tout niveau de pesticide en deçà du seuil admis par l’EPA dans l’alimentation américaine ne pose pas de problème de sécurité a été contestée par de nombreuses études scientifiques indépendantes. L’exposition aux pesticides peut entraîner de graves problèmes de santé, même à de faibles niveaux résiduels, notamment une perturbation endocrinienne, des cancers, des troubles de la reproduction, desproblèmes respiratoires (par ex, asthme, bronchite), un impact neurologique (par exemple, effets sur le développement et maladie de Parkinson), parmi autres. Néanmoins, à la fois l’exposition professionnelle directe et l’exposition non professionnelle indirecte aux pesticides peuvent augmenter le risque de MP.

Plusieurs études identifient divers pesticides comme étant impliqués dans la pathologie de la MP, notamment les insecticides roténone et chlorpyrifos, et les herbicides 2,4-D, glyphosate, et paraquat. Une étude de la Washington State University a montré que les habitants situés à proximité de zones traitées par du glyphosate – l’herbicide le plus utilisé aux États-Unis – sont 33 % plus susceptibles de décéder prématurément de la MP. Dans l’étude de la Louisiana State University, l’exposition au 2,4-D, au chlorpyrifos et au paraquat provenant des pâturages, de la sylviculture ou des exploitations forestières, représente un facteur de risque important pour la MP, le risque le plus élevé se situant dans les zones où les produits chimiques s’infiltrent rapidement dans les sources d’eau potable. Dans l’ensemble, les recherches montrent que l’exposition aux pesticides augmente le risque de développer une MP entre 33% et 80%, certains pesticides entraînant un risque plus élevé que d’autres.

Parmi les pesticides les plus connus associés au développement de la MP se trouvent la roténone et le paraquat, car la pathogenèse de la MP indique l’implication de ces deux produits chimiques. La littérature scientifique documente de manière exhaustive les propriétés neurotoxiques du paraquat et de la roténone, les expériences de laboratoire reproduisant les caractéristiques de la maladie de Parkinson dans le cerveau des animaux. Une autre étude constate une augmentation de 2,5 fois du risque de MP chez les utilisateurs de chacun de ces produits chimiques par rapport aux non-utilisateurs. Une exposition aiguë et chronique à la roténone peut inhiber la fonction mitochondriale dans le cerveau, fonction responsable de la régénération cellulaire, et induire un stress oxydatif. L’exposition au paraquat peut augmenter la production de protéines spécifiques dans le cerveau qui endommagent les cellules produisant la dopamine, provoquant des problèmes moteurs et des tremblements musculaires.

Bien que de nombreux pays, dont l’Europe et le Canada, interdisent l’utilisation de ces deux produits chimiques en raison des craintes de liens avec la maladie de Parkinson, les États-Unis se contentent de restreindre leur utilisation. Aux États-Unis, l’EPA autorise l’utilisation de la roténone afin de tuer les espèces de poissons envahissantes, et l’agence ne fait que limiter l’utilisation du paraquat aux distributeurs accrédités, ce qui a permis une augmentation de l’utilisation de ce produit chimique au cours de la décennie. En 2018, l’utilisation du paraquat a augmenté de 100 % dans les refuges pour animaux sauvages. Considérant que la recherche démontre qu’une multitude de pesticides présentant un risque de développer une MP appartiennent à différentes classes de pesticides et ont un mode d’action différent, les défenseurs affirment que les instances gouvernementales doivent évaluer tous les effets sur la santé liés à l’exposition aux produits chimiques de la même manière, quelle que soit la composition chimique.

La maladie de Parkinson a fait l’objet d’une multitude de recherches épidémiologiques démontrant plusieurs facteurs de risque, notamment des mutations génétiques spécifiques et des déclencheurs externes/environnementaux (c’est-à-dire l’utilisation de pesticides, l’exposition à des polluants, etc.) Cette recherche s’ajoute aux nombreuses autres qui associent l’exposition aux pesticides à la MP. De plus, cette étude démontre que la maladie de Parkinson peut se développer indépendamment du fait qu’un individu soit porteur ou non d’une mutation du gène GBA.

Cette étude n’est pas la première à démontrer une relation entre l’exposition aux pesticides et la variation génétique, puisqu’ une étude de 2010 constatait que les individus présentant des variants génétiques spécifiques (c’est-à-dire une mutation de la GBA) ont trois fois et demie plus de chances de développer la maladie de Parkinson que ceux qui présentent la version la plus courante du gène. De plus, une étude de 2013 révèlait que les individus présentant une mutation génétique associée à la MP sont plus susceptibles de développer cette maladie neurodégénérative en cas d’exposition aux pesticides. Le docteur Ray Dorsey, professeur de neurologie à l’université de Rochester, soutient ces conclusions de l’UCSF, en faisant remarquer que le risque de mourir de la maladie de Parkinson énoncé par l’étude est d’environ 1 sur 15, comparé au risque de mourir dans un accident de voiture, qui est d’environ 1 sur 100. Le Dr Dorsey s’interroge : “Que faisons-nous pour nous empêcher de développer la maladie de Parkinson ? … [Scientists have] [la recherche] nous dit depuis des décennies que certains pesticides sont liés et contribuent à l’apparition de la maladie de Parkinson. Nous devrions l’écouter”. Le Dr Dorsey suggère d’utiliser des alternatives plus sûres comme les pratiques biologiques.

Bien que les facteurs professionnels et environnementaux, comme les pesticides, aient des effets néfastes sur la santé humaine – affectant de manière disproportionnée les groupes de population vulnérables – plusieurs limites entravent la mise en évidence de l’empoisonnement dans la vie réelle, comme le démontrent des études épidémiologiques publiées dans la Base de Données des Maladies induites par les pesticides de Beyond Pesticides. Les effets néfastes des pesticides sur la santé, l’exposition et le risque cumulé des pesticides montrent qu’il est nécessaire de mener des recherches plus approfondies sur l’exposition professionnelle et non professionnelle aux pesticides, en particulier dans l’agriculture. La maladie de Parkinson est peut-être incurable, mais des pratiques de prévention appropriées, comme l’utilisation de produits non artificiels, peuvent éliminer l’exposition aux pesticides toxiques induisant la maladie de Parkinson. L’agriculture biologique représente une approche plus sûre et plus saine de la production agricole qui ne nécessite pas l’utilisation de pesticides toxiques. Beyond Pesticides encourage les agriculteurs à adopter des pratiques régénératives, biologiques.

Publié avec la permission de Beyond Pesticides.