Une coalition mondiale de travailleurs et d’activistes est descendue dans la rue la semaine dernière lors du ‘Vendredi Noir’ dans 15 pays pour lancer la campagne ‘#MakeAmazonPay’. Par la suite, 401 législateurs de 34 pays à travers le monde ont soutenu cet effort en faisant parvenir une lettre ouverte à Jeff Bezos, fondateur et PDG de l’entreprise et la personne la plus riche du monde..

“Nous, élus et représentants des l’États du monde entier, vous informons par la présente que l’époque de l’impunité d’Amazon est révolue.”, dit la lettre,faisant référence aux récentes manifestations réclamant justice dans l’entreprise. “Aujourd’hui, nous nous engageons à soutenir ce mouvement, dans tous les congrès, parlements et assemblées d’État où nous travaillons.”

Aux États-Unis, les signataires comprennent les représentants Ro Khanna (D-Calif.), Ilhan Omar (D-Minn.), Rashida Tlaib (D-Mich.) ainsi que lJamaal Bowman (D-N.Y.). D’autres présentants dans le monde entier qui ont signé cette lettre sont : Jeremy Corbyn, l’ancien chef du Parti travailliste britannique ; Heidi Hautala, vice-présidente du Parlement européen ; Ebru Günay du Parti démocratique populaire (HDP) en Turquie ; Jean-Luc Mélenchon, leader de La France Insoumise ; Niki Ashton, députée canadienne du Nouveau Parti démocratique ; et Yanis Varoufakis, chef du parti grec MeRA25.

La lettre contient des accusations dans les termes suivants : “Nous savons tous qu’Amazon peut se permettre de rétribuer ses travailleurs, de s’acquiiter de ses coûts environnementaux et de payer ses impôts. Et pourtant, à maintes reprises, vous avez esquivé et n’avez pas rempli vos obligations envers les travailleurs, les sociétés et la planète”. “Alors que votre richesse personnelle a augmenté en 2020 d’environ 13 millions de dollars US par heure, ces travailleurs se retrouvent dans des conditions de travail dangereuses, ne bénéficient que d’une faible augmentation de salaire, voire d’aucune augmentation, et font face à des représailles lorqu’ils essaient de se défendre ou de s’organiser avec leurs collègues.”

Les législateurs soulignent que la “montée en puissance d’Amazon se poursuit avec des coûts exhorbitants pour notre environnement”, et une empreinte carbone “supérieure aux deux tiers de l’ensemble des pays du monde.” L’entreprise a également “miné nos démocraties et leur capacité à relever des défis collectifs.” “Vos pratiques monopolistiques ont asphyxié les petites entreprises, vos services web n’ont pas respecté les droits en matière de données et vous avez versé des sommes dérisoires en retour.”

Les signataires concluent en disant : “Nous vous exhortons à prendre des mesures concrètes, à modifier vos politiques et vos priorités et à faire ce qui est juste pour vos travailleurs, vos communautés et la planète”. “Nous sommes disposés à agir dans nos assemblées législatives respectives pour soutenir le mouvement qui se développe dans le monde entier pour faire payer Amazon.”

La lettre a été élaborée par une coalition de ‘UNI Global Union’ et l’Internationale Progressiste. Des centaines de législateurs se joignent maintenant à la campagne “non seulement en soutenant ses revendications, mais en s’engageant à travailler avec elle pour apporter de réels changements”, a déclaré Casper Gelderblom de l’Internationale Progressiste dans un communiqué jeudi, ajoutant “Jeff Bezos doit entendre notre message qui est : le changement arrive. Mais si ce n’est pas déjà le cas, nous promettons que ce n’est que le début.”

Comme l’a dit Christy Hoffman, secrétaire générale d’UNI Global Union : “Les travailleurs, les élus progressistes, les anti-monopoles, les petites entreprises et les militants se réunissent pour montrer à Amazon que le dialogue social et la négociation collective ne sont pas des menaces, mais des outils essentiels que les sociétés modernes utilisent pour protéger la santé des travailleurs, sauver la vie des gens et affirmer la dignité au travail.”

Un représentant d’Amazon a déclaré à l’agence Reuters que l’entreprise accepte la critique des décideurs politiques, mais refuse d’admettre certaines affirmations contenues dans la lettre, en disant qu’Amazon “paie des milliards de dollars en impôts dans le monde entier” et “a une longue pratique de soutien à nos employés, nos clients et nos communautés, y compris en fournissant des conditions de travail sûres, des salaires compétitifs, et de avantages sociaux importants.”

Toutefois, les partisans de la campagne ‘Make Amazon Pay’ contestent ces allégations. Ils soutiennent que la la pandémie COVID-19 a non seulement contribué à enrichir Amazon – quand les consommateurs du monde entier ont été confinés et se sont alors tournés vers les achats en ligne. “Amazon a choisi les profits avant les travailleurs, la société et notre planète.”

Jeudi, ‘Business Insider’ a révélé que “Amazon a annoncé en 2019 son engagement envers le changement climatique et a promis d’atteindre zéro émission nette de carbone dans l’ensemble de son activité d’ici 2040 ; au même moment, Jeff Bezos mettait en place un fonds privé de 10 milliards de dollars pour ‘Earth Fund’..’ Les groupes d’activistes internes et externes ont alors défié Amazon, en disant que si Amazon s’engage vraiment au sujet du changement climatique, elle doit atteindre sa date limite de zéro émission nette de carbone en 2030 et rompre ses contrats avec l’industrie des combustibles fossiles.”

Sur le plan de la rémunération, Amazon a donné aux travailleurs de première ligne une augmentation de 2 dollars de l’heure au mois de mars, augmentation annulée deux mois plus tard. Par la suite, et bien que l’entreprise ait annoncé la semaine dernière qu’il donnerait des primes de vacances de 300 dollars pour les employés à temps plein et 150 dollars pour les travailleurs à temps partiel, ‘Business Insider’ a rapporté que les primes seront imposées fiscalement.

Un peu avant le ‘Vendredi Noir’, le groupe de défense des droits humains Amnesty International a publié un rapport démontrant comment Amazon, qui a embauché au moins 175 000 travailleurs supplémentaires en raison de l’augmentation de la demande pendant la pandémie, a “constamment cherché à limiter la capacité des syndicats à fonctionner” et “a utilisé la technologie pour une surveillance inappropriée et la collecte de données concernant ses salariés.”

Comme l’a signalé Natasha Lennard, de ‘The Intercept’, en parlant de la campagne et la lettre des législateurs :

“La situation chez Amazon est annonciatrice de l’avenir du travail, de notre économie, et de la planète.” Tlaib, député du Michigan et signataire de la lettre, m’a transmis l’information suivante par courriel : “Les résultats de cette expérience sont clairs : sans intervention de notre part, les entreprises géantes comme Amazon vont impitoyablement extraire chaque dollar de leurs travailleurs et des communautés qu’elles exploitent, enrichissant les cadres, broyant les travailleurs, tout en mettant leurs profits avant l’avenir de la planète.”

Tlaib a souligné qu’il est possible de forcer Amazon à changer ses pratiques comme lorsqu’elle a augmenté le salaire minimum de ses employés aux États-Unis à 15 dollars, suite à des pressions soutenues entre autre par le sénateur Bernie Sanders (I-Vt.). De la même façon, la pression mise l’an dernier par les législateurs de gauche à New York, travaillant en conjonction avec des organisateurs locaux, ont contrecarré les plans apparemment imparables d’Amazon d’ouvrir un deuxième siège social dans le Queens.

Tlaib m’a informée qu'”il y a déjà des lois au Congrès qui nous aideront à lutter contre la cupidité stupéfiante de ces grandes entreprises, et que d’autres interventions importantes devront être rédigées dans ce sens.” Par exemple, la Loi sur la protection du droit de se syndiquer, adoptée par la Chambre des représentants américains plus tôt cette année, pourrait radicalement mettre à mal des décennies de lois anti-travailleurs et anti-syndicales aux États-Unis.”

En même temps que se tenaient les grèves et les manifestations du ‘Vendredi Noir’, la campagne ‘Faire Payer Amazon’ a publié un ensemble de25 revendications communes“décrivant la façon dont l’entreprise peut améliorer les conditions de travail, assurer la sécurité de ses employés, respecter les droits universels des travailleurs, fonctionner de manière durable et rendre à la société son dû.” Diverses organisations soutiennent la campagne, dont ‘350.org’, ‘Amazon Employees for Climate Justice”, Democracy in Europe Movement (DiEM25)’, ‘Greenpeace’, et ‘Our Revolution et Public Citizen’.

Publié avec la permission de Common Dreams..